Coronavirus : la crise alimentaire, l’autre bombe sociale

La pandémie de Covid-19 intervient au plus mauvais moment pour l’Afrique, avertissent la FAO et le PAM. En 2019, 135 millions de personnes dans le monde étaient déjà au bord de la famine. Un chiffre qui pourrait exploser avec la pandémie.

Le nombre de personnes au bord de la famine risque de doubler en 2020 du fait de la pandémie de Covid-19, selon le Programme alimentaire mondial. (Tony Karumba/AFP)

Publié le 22 avr. 2020 à 8h11Mis à jour le 22 avr. 2020 à 17h24

C’est une autre bombe qui menace : la faim dans le monde. Avec la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement, la fermeture des frontières et l’effondrement du commerce mondial, la sécurité alimentaire de l’Afrique est menacée. La situation est si critique que les ministres de l’agriculture du G20 se sont engagés, mardi, « à coopérer étroitement et à prendre des mesures concrètes pour sauvegarder la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde ».

L’urgence est là. Mardi, un rapport commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM) alertait sur le fait que quelque 135 millions de personnes dans le monde se trouvaient déjà au bord de la famine en 2019. Il s’agit du niveau le plus élevé, depuis quatre ans qu’existe le rapport.

Au pire moment

Ce nombre risque d’exploser cette année, du fait de la pandémie. « Le nombre de personnes souffrant sévèrement de la faim pourrait doubler […] atteignant alors plus de 250 millions d’ici la fin de 2020 », avertit le rapport. « Ce Covid n’aurait pu arriver à un pire moment », a indiqué à l’AFP Arif Husain, économiste principal au PAM.

Selon le rapport commun de la FAO et du PAM, le nombre de personnes au bord de la famine a nettement augmenté en 2019, passant de 113 à 135 millions de personnes. Et c’est encore l’Afrique qui paye le plus lourd tribut à cette situation « d’insécurité alimentaire aiguë », avec 73 millions de personnes touchées, soit plus de la moitié.

L’Afrique en première ligne

Parmi les pays les plus frappés en pourcentage de leur population : le Soudan du Sud (61 %), le Yémen (53 %), l’Afghanistan (37 %), mais également la Syrie, Haïti, le Venezuela, l’Ethiopie, la République démocratique du Congo, le Soudan et la partie nord du Nigeria. « Les conflits étaient toujours le principal moteur des crises alimentaires en 2019, mais les conditions climatiques extrêmes et les chocs économiques sont devenus de plus en plus importants », indique le rapport. La corne est de l’Afrique, par exemple, s’est retrouvée confrontée à une invasion de criquets qui a sévèrement endommagé les récoltes.

Dans le milieu rural, les personnes ont très peu de moyens d’amortir de tels chocs . « Ils pourraient se voir forcer d’abandonner leurs moyens d’existence, […] vendre leurs animaux ou leurs bateaux de pêche pour récupérer un peu d’argent. Ou encore se retrouver à manger toutes leurs semences au lieu d’en conserver certaines pour pouvoir les replanter plus tard », alertait, mi-avril, Dominique Burgeon, directeur de la division des urgences et de la réhabilitation de la FAO.

Selon l’ONG Oxfam, qui publie un autre rapport sur la question, le nombre d’Africains de l’Ouest frappés par la crise alimentaire pourrait presque tripler en trois mois, passant de 17 millions à 50 millions entre août et juin, selon l’ONG.

Les prix grimpent

En ville comme en zones rurales, les populations ont des difficultés d’accès aux marchés alimentaires. Elles font face à un début de hausse des prix et une baisse de la disponibilité de certaines denrées de base, conséquences des confinements ou couvre-feu mis en place, de la fermeture des frontières et de l’insécurité dans certaines zones, ajoute l’ONG. En quelques jours au Burkina Faso, « le sac de 100 kg de mil est passé de 16.000 à 19.000 francs CFA, et prix du litre d’huile pour la cuisine a presque doublé. Avec le virus en plus de l’insécurité, je me demande comment le mois de Ramadan sera vécu cette année », a souligné Amadou Hamadoun Dicko, président de l’Association pour la promotion de l’élevage au sahel et en savane (Apess).

En promettant de « travailler ensemble pour faire en sorte que des aliments suffisants, sûrs, abordables et nutritifs continuent d’être disponibles et accessibles à toutes les personnes, y compris les plus pauvres, les plus vulnérables et les personnes déplacées de manière opportune, sûre et organisée », les ministres de l’agriculture du G20 ont du pain sur la planche.

Richard Hiault