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Guineeactusociale.com : nous sommes face à une pandémie qui enregistre plus de mille cas dont le premier cas confirmé a été détecté le 12 mars en Guinée. Nous en sommes déjà à 7 décès. En tant que responsable au ministère de l’Action Sociale. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Mohamed Diaby : Merci bien de l’opportunité que vous m’offrez. La question que vous posée a du sens. La Guinée s’est embarquée dans un navire à partir du 12 mars denier. Ceci a été marqué par la déclaration du premier cas du Covid-19 dans notre pays. Donc, si vous me demandez quel est le premier constat, on ne peut s’empêcher de relever que ce qui frappe aujourd’hui, c’est la vitesse de propagation de ce virus. Le premier cas de l’épidémie a été déclaré le 12 mars, il a fallu attendre 20 jours pour que nous passions de ce premier cas là, à 100 cas. Il a fallu 15 autres jours pour que ce chiffre là soit triplé. Mais, il a suffit simplement dix autres jours pour que la Guinée enregistre plus de 600 cas. Cela doit nous interpeler. Ça veut dire que les premiers cas étaient des cas isolés. Mais, en classant l’épidémie en trois temps, on se rend compte que le troisième temps là, l’épidémie s’est très vite communautarisée. Et, à ce rythme là si rien n’est fait, s’il n’y a pas de changement de comportement, si la population n’adhère pas au respect des mesures édictées par les autorités sanitaires, rien n’exclurait le fait qu’ au bout de deux mois, nous nous retrouvions avec des milliers et milliers de cas.
Guineeactusociale.com : Monsieur Diaby, à vous entendre parler, on a comme l’impression que vous souscrivez à la thèse selon laquelle du premier cas du Covid-19 le 12 mars à plus de mille cas à ce jour, il y a eu de la corona-néglience, comme il y avait eu l’Ebola-négligence de la part des autorités dans le passé ?
Mohamed Diaby : on ne peut pas parler de négligence en tant que tel, à partir du moment où un certain nombre de dispositions avaient été prises en amont. Nous nous souvenons de la conférence de presse que l’Institut national de santé publique avait organisée, je crois, quelques jours avant la déclaration du premier cas ; et le centre Nongo (de dépistage épidémiologique, CTE) nous avait été présenté. Je pense qu’il y avait quand même une certaine tenue, un certain comportement, face à l’épidémie. Toutefois, force est de constater aujourd’hui qu’avec le recul, c’est comme on s’en est un tout petit peu mêlé les pinceaux. Il y a quelques difficultés d’ordre organisationnel pour pouvoir endiguer l’évolution du virus.
Guineeactusociale.com : ne versons pas dans l’aspect politique de la pandémie. Mais, dites-nous en tant que cadre du ministère de l’action sociale, qu’elles pourraient être les conséquences sociales de la pandémie Covid-19 sur la population ?
Mohamed Diaby : les conséquences, c’est à plusieurs niveaux. Quand on parle de conséquences sociales, rappelons d’un mot que le terme social n’est pas disjoint des autres composantes d’ordre politique, économique , en tout cas sur bien d’autres plans, le social est en imbrication avec d’autres aspects.
Guineeactusociale.com : je veux parler de la vulnérabilité de certaines couches sociales comme celle des handicapés qui ne pourront pas faire face de la même manière à la maladie à Coronavirus que les autres personnes valides.
Mohamed Diaby : c’est ce que j’essaie de vous faire comprendre en disant que le social n’est pas distinct . Lorsque vous prenez la pandémie du coronavirus, ici comme ailleurs, le coronavirus, au-delà des victimes, des morts qu’il provoque, il met l’économie à l’arrêt. Quand l’économie est mise à l’arrêt, sans vouloir être marxiste, ça veut dire tout simplement que la société aussi est à l’arrêt. Donc, aujourd’hui nous faisons face à des situations qui n’étaient pas tout à fait prévues. On note qu’en Guinée, il n’y a pas eu de confinement, on ne vit pas sous confinement. Mais, ce qui est sûr la capitale (Conakry) quand même est coupée de l’intérieur. Ca signifie alors qu’il y a de nombreux petits producteurs, exploitants agricoles, ou dans bien d’autres domaines à l’intérieur du pays, qui ne parviennent pas à écouler leurs marchandises. Ce qui n’est pas sans conséquence sur leurs situations de tous les jours. Donc, la première conséquence d’ordre social, c’est la conséquence économique. Donc, l’épidémie du coronavirus a une conséquence économique et cette même conséquence économique agit sur les humains et la vie en société. Aujourd’hui, on assiste à une situation où le pouvoir d’achat est en train d’être fragilisé. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement a entrepris des mesures de solidarité. Pour revenir plus particulièrement à ce à quoi vous faisiez référence, le Covid n’est pas sans conséquence sur les populations ou des entités qui étaient déjà en position de vulnérabilité ou de fragilité. Il y a alors un accroissement de cette fragilité. J’ai personnellement reçu des appels des mendiants qui se plaignent du fait qu’avec la fermeture des lieux de culte, ils n’ont plus où aller pour quémander. Donc, ce n’est pas que nous encouragions la mendicité, mais cela laisse comprendre quand même qu’il y a aujourd’hui de nombreuses entités sociales qui vivent les conséquences directes de cette épidémie. Mais, il y a d’autres conséquences qui sont insidieuses , on les perçoit très difficilement. C’est le cas des personnes qui sont elles-mêmes affectées. Vous imaginez quand une personne vient au laboratoire à Donka, en l’occurrence. Pour réaliser son test, on la prélève, on la dépiste. Entre le temps de dépistage et ce qu’on appelle le rendu des résultats, un temps qui peut varier entre 24, 48h et même au-delà, vous comprendrez que ce délai d’attente devient extrêmement long. Pour la personne et pour sa famille. Alors, lorsque le résultat est positif, il s’installe ce qu’on appelle chez nous un émoi, une angoisse et même une psychose. Ce sont les conséquences dont on parle très peu. Ce discours là, nous l’avons rarement entendu. Je profite donc de votre micro pour dire que l’une des conséquences sociales rarement commentées, c’est l’angoisse, la psychose en lien avec le statut des personnes déclarées positives. Cela est d’autant plus vrai que le temps de quatorzaine paraît interminable pour la personne. Et même quand la personne est déclarée guérie, la réinsertion dans son secteur socioprofessionnel n’est pas plus aisée. En voilà donc une autre conséquence sociale en lien avec l’épidémie du coronavirus.
Guineeactusociale.com : Monsieur Diaby, également, en réaction à cette pandémie, le gouvernement a élaboré un plan de riposte économique au Covid-19 qui comporte une composante sociale qui défraie la chronique. C’est le fait d’interdire toute augmentation de loyers des maisons privées, la gratuité des factures d’eau, d’électricité et le transport public durant trois mois. Beaucoup estiment que c’est du mirage. Puisque les factures d’eau et d’électricité n’étaient pas payées régulièrement. Et que la fourniture d’eau et électricité fait défaut. Qu’en dites-vous ?
Mohamed Diaby : tout ce qui est de nature à alléger et réduire la charge des ménages, doit être considéré comme étant bienvenu. Personnellement, il est arrivé que je me retrouve entre 300 et 400 mille francs guinéens de facture d’électricité mensuelle. Imaginez qu’on m’en décharge, ce n’est pas négligeable ! Je ne suis pas en train de dire que c’est la meilleure façon de soulager les conséquences liées au coronavirus. Mais, pour ceux qui payaient, qui faisaient office entre guillemets, de bons citoyens, qui s’acquittaient de cette charge civique là en payant régulièrement la facture d’eau et d’électricité, on ne peut pas dire que la mesure gouvernementale est futile. Elle soulage. Donc, reste à savoir est-ce que cette mesure là fait de l’effet ? Ils étaient combien à payer régulièrement les factures d’eau et électricité, comparativement à ceux qui ne le faisaient pas? C’est un débat qui ne concerne pas mon service, sur lequel je n’ai pas de commentaire particulier.
Guineeactusociale.com : Peut-être une dernière question, monsieur Diaby. L’Agence nationale d’inclusion économique et sociale (ANIES) est inclue dans ce plan de riposte économique au Covid-19. Bien que celle-ci existait déjà et elle consiste à réduire l’extrême pauvreté en Guinée. Quel regard partez-vous sur cette situation ?
Mohamed Diaby : telle qu’elle est conçue, je rappelle quand même qu’elle peut avoir des variantes en Guinée. Mais, c’est une initiative qu’on a connue dans bien d’autres pays. Ces projets de filets de sécurité sociale, appelé de façon générale les filets sociaux. Ils ont été implémenté en Afrique, en Amérique latine, notamment le Brésil par la banque mondiale. Dans bien des pays, c’est quand même des projets qui ont porté et réussi à sortir un certain nombre de ménages de l’extrême pauvreté ou de la pauvreté tout court. Bien mise en œuvre bien expérimentée, l’ANIES peut, comme l’à si bien rappeler son Excellence monsieur le premier ministre, elle peut constituer le bras pécuniaire de la politique sociale du gouvernement et par les temps qui courent, ils sont très nombreux, les ménage qui ont besoin de ce soutien d’ordre gouvernemental. Parce que dans les conditions actuelles, le panier de la ménagère peut être difficilement accessible pour certains. L’ANIES se présente de ce point de vue là comme un véritable filet de sécurité pour alléger le poids lié aux charges qui sont consécutives au coronavirus
Guineeactusociale.com : Pour conclure cette interview, quel message pourriez-vous lancer ?
Mohamed Diaby : le maître-mot, actuellement, pour tous, c’est la prise de conscience. Chacun doit pouvoir balayer à sa porte, pas forcément en balai. C’est d’être conscient du danger. C’est réel. Tous ceux qui sont passés à Donka, vos confrères, ont relayé des messages liés au danger du coronavirus . Même si la létalité est à moins de 5%, ce n’est pas un argument pour négliger ce virus. C’est un virus qui a mis le monde entier à l’arrêt. Les plus faibles comme le nôtre, les capacités d’accueil sanitaires et de réanimation, nous courons alors de gros danger en négligeant le respect les gestes barrières.
Guineeactusociale.com : Merci Monsieur le Directeur pour votre disponibilité.
Mohamed Diaby ; Merci à vous également pour cette interview
Interview réalisée par : Naby Laye Youssoupha