Taïgbé-Kamsar : «Nous ne voulons plus de GAC ici, ils nous ont déçus », accuse la communauté

La communauté de Taïgbé, sous-préfecture de Kamsar en a décidément marre de son voisin immédiat qu’est la société minière Global Alumina Corporation.

Du fait, selon elle, de la nuisance causée par  cette société à leur préjudice. A tel point qu’elle en vienne à ne plus vouloir ‘’sentir’’ cette société dans leur communauté. La communauté s’insurge surtout contre ce qu’elle qualifie de ‘’fausses promesses’’ de GAC relatives au développement de la localité après leur avoir dépossédé de leurs terres sans compensation aucune.

En dépit du fait que la direction de communication ait nié  avoir fait une quelconque promesse à la communauté avant son installation, celle-ci persiste et signe.

Guineeactusocial.com  s’en est aperçu le 26 septembre dernier en recueillant les témoignages dans cette presqu’île d’environ  5. 500 âmes.

Ici, on manque de tout ou presque. La seule route qui mène à Taîgbé passe par une digue de trois kilomètres, plantées çà et là de ponts de fortunes. Il n’y a ni eau ni électricité. Pendant la saison sèche, les insulaires  s’approvisionnent en eau potable à Kamsar, ce qui leur vaut un parcours de plus de cinq kilomètres. Témoignages !

 Adama Bangoura, raconte le calvaire qu’elle endure à la recherche de la popote quotidienne pour nourrir sa petite famille.

«Le premier problème chez nous ici, c’est la route. Pendant la saison pluvieuse, nous avons toutes les difficultés du monde à traverser sur digue et puis dans la pirogue pour rejoindre Kamsar. C’est là où nous allons revendre du sel, du manioc et des palmistes pour pouvoir acheter des condiments pour revenir préparer le repas le soir pour la famille. Nous quittons  Taïgbé à 6heures, parcourrons trois kilomètres sur cette digue sur laquelle il y a  des ponts de fortunes, avec  des sacs de sels et de palmistes sur la tête jusqu’à kamsar. Des fois, on revient à la maison sans pouvoir écouler toute la marchandise. Nous souffrons énormément ici», se plaint dame Bangoura.

Et d’ajouter : «On manque d’eau potable. Nous nous approvisionnons en eau à Kamsar. Nous manquons d’électricité aussi.  On nous a promis de faire  la route, mais jusqu’à présent, on ne voit rien. »

Conséquence : «C’est ainsi qu’un lundi de mois juin nous sommes allés faire un sit-in devant leur installation où on nous a malmenés comme de vulgaires personnes», témoigne cette dame.

Mohamed Camara, est l’imam de Taïgbé.

Il y va de son témoignage : «Nous sommes fatigués de nous plaindre. Puisque nos plaintes sont toujours restées lettres mortes. La  société GAC nous a déçus. Le jour où ils avaient envie d’exploiter le minerai de bauxite ici, ils sont venus nous rencontrer et se comportaient  comme  nos frères. Lors d’une réunion  avec les sages de la communauté de Taïgbé,  ils ont fait beaucoup de promesses relatives au développement de la communauté. Il s’agit notamment de  l’approvisionnement en eau potable et en  électricité.  La construction d’hôpital et d’école.  Ils ont promis aussi d’employer les fils de Taïgbé. On s’est entendu sur ça. Au début du projet, ils ont employé certains de nos enfants. Mais, c’était du tape-à-l’œil. Puisque dès après le tracé de  la route servant au transport de la bauxite, ils ont oublié toutes les promesses qu’ils avaient faites. Ils se barricadés avec les clôtures de grillages, ce qui rallonge le raccourci qu’on prenait  pour rejoindre Kamsar où nous menons plusieurs activités économiques », narre l’imam de Taïgbé, sur un ton ferme, laissant transparaitre les nerfs de son coup.

Les autorités n’ont rien fait

«C’est ainsi que nous avons rencontré les autorités tel que le chef de district de koufè pour faire la médiation afin de les amener à revenir à la raison, ils ont résisté. Nous avons décidé donc de faire un sit-in sur leur route et bloquer le passage. Mais, nous n’avons rien gâté. Ils ont envoyé les agents de la police pour nous gazer. Lorsque les jeunes ont fui, ils ont ramassé leurs téléphones portables et ils  sont partis avec. C’est ainsi qu’ils ont arrêtés 16 de nos enfants et les ont enfermés à Boké. On nous a accusés d’avoir brulé les véhicules et casser les choses. Vraiment, aujourd’hui, nous ne voulons plus voir la société GAC ici. Parce qu’ils ont trahi la promesse faite devant les sages », s’énerve l’imam Camara.

Maladie…

«La poussière qui se dégage des installations de l’usine cause de la maladie. A ce jour, trois personnes souffrent de la tuberculose. Les cocotiers, manguiers et bananiers ne donnent plus comme par le passé. Egalement, les bas-fonds où nous cultivons du riz donnent moins de rendement que prévu. Ils déversent des produits sur la mer comme du gaz oïl qui tuent les poissons et les huitres. C’est ce que nous consommons. Surtout, lorsqu’il y a pénurie de poissons, nos épouses pêchent les huitres que nous consommons pendant cette période de soudure», explique l’homme de Dieu.

Et d’interpeler : «Nous lançons un appel au gouvernement pour qu’il sache qu’il y a des Guinéens à Taïgbé qu’ils ont oubliés. Nous comptons pourtant sur eux pour nous aider à sortir de ce calvaire»

Nuisance sonore

Souleymane Bangoura, représentant de la jeunesse ajoute que le bruit qui provient de ces usines «nous fatigue beaucoup ici. Lorsque le train passe la nuit, nous ne pouvons plus dormir. A plus forte raison quand les bateaux accostent. Nous n’avons aucun droit ici. Alors que la terre nous appartient. Ils privilégient les déplacés à la communauté. Alors que les déplacés vivent dans la communauté. C’est-à-dire ceux dont les champs de riz ont été touchés du fait de l’installation de la société GAC», raconte-t-il.

La rédaction de guineeactusociale a entrepris de rentrer en contact avec la direction général   de GAC via son service de communication pour sa version des faits. Abdourahmane Diallo nie en bloc les accusations de la communauté de Taïgbé. «Premièrement, GAC ne déverse aucun produit chimique dans la mer. La seule chose qui est déversée un peu plus large, dans la mer, est l’eau de mer salée provenant de notre unité de désalinisation», indique Diallo.

Il poursuit : «nous avons accompagné la communauté et avons investi près de 300,000 dollars pour mettre en avant des pratiques de production rizicole modernes. Cela a permis aux producteurs d’augmenter leur production de 400%», a-t-il soutenu.

Naby Laye Youssoupha